Faire des choix n'est pas toujours une chose aisée, surtout quand des sentiments sont en jeu, et quand ces choix risquent de changer à jamais le cours de votre vie. Nathanaël savait qu'il lui fallait décider, suivre la bonne voie et ne plus la lâcher, mais il en était incapable, ce n'était pas dans sa nature de se comporter ainsi. Le jeune homme voulait le beurre et l'argent du beurre, la solution de facilité était bien trop tentante pour qu'il ne puisse se résoudre à l'abandonner ainsi, sans ensuite le regretter à jamais. Depuis quelques jours, la solution qu'il avait trouvé pour ne pas avoir à se décider, c'était la prise continuelle de drogues diverses et variées cachées dans sa sacoche magique. Un rail de coke au réveil, une piqure d'héroïne à midi, un buvard de lsd le soir et un pétard avant d'aller se coucher, telles étaient les nouvelles habitudes du préfet de Serdaigle, bien que les quantités étaient plus importantes que celles données, et l'ordre variait selon les envies et les humeurs. Il préférait ainsi détruire son corps et préserver son coeur, ne plus penser à quelle liaison il devait mettre fin, pour pouvoir ainsi les préserver toutes, même s'il savait qu'il en ferait souffrir certaines, et se ferait souffrir également. Mais ces derniers temps, Gemmell se sentait terriblement seul. Malgré les présences féminines à ses côtés, il lui manquait quelque chose, une amitié, quelqu'un à qui il aurait pu tout confier, confier sa souffrance, une présence réconfortante, il avait besoin d'Aceely, c'était plus qu'évident.

Jamais je n'ai été aussi perdu dans ma vie depuis mes douze ans. La mort de mes parents était une épreuve toute autre à affronter, je n'avais pas la même mentalité, pas le même état d'esprit, et puis, ce n'est pas la même situation que je vis actuellement. Que dirait mon père s'il me voyait aujourd'hui, s'il voyait ce que je suis devenu? J'ai décidé d'être l'homme qui a ordonné sa mort, s'il m'avait vu agir ainsi, moi qui étais un jeune garçon adorable et doux, je suis à présent un manipulateur qui veut se faire passer sans coeur. C'est là que j'ai commis une erreur, je ne suis pas comme Steeve, car j'ai des regrets, des sentiments, je ne peux pas tout détruire et ne pas regarder en arrière, je me force à contempler la désolation que j'ai amené, le malheur que j'ai semé sur ma route. Je suis le petit poucet avec ses foutus cailloux, tandis que Steeve a décidé de se perdre volontairement, et n'a rien semé derrière lui, afin de ne pas retrouver sa route. J'ai détruit, et aujourd'hui je le regrette, j'aime, et je ne sais plus comment m'y prendre. Si seulement les choses n'étaient pas aussi compliquées, si seulement mes parents étaient encore là, je n'aurais pas agi ainsi, je ne me serais pas comporté aussi mal, je ne serais pas en train de me détruire à la coke, en train de ruiner toute ma vie. Si seulement mon père ne s'était pas fait tuer...

Le temps s'écoulait lentement, les rayons de la lune passaient à travers la fenêtre de la salle commune des Serdaigles, éclairant ce spectacle misérable, celui d'un jeune homme allongé sur un canapé, un pétard allumé à la main, une larme coulant lentement sur sa main. Il était si désespéré qu'il en voulait à son père, qu'il lui en voulait d'avoir été quelqu'un de trop bien pour cette terre, qu'il lui en voulait d'être mort, de s'être fait tuer dans cette foutue ruelle, il le tenait même responsable du suicide de sa mère, de la descente aux enfers de son frère, et de sa propre chute. S'il avait été là, tout aurait été différent, il aurait toujours une famille unie, serait heureux, aurait une petite amie, des bons résultats, une vie "normale". Au lieu de cela, il se retrouvait avec une multitude d'amantes, ressentant des sentiments pour trois filles à la fois, avec des résultats acceptables mais qui pourraient être meilleurs, et une addiction aux drogues dures. La vie n'est pas toujours aussi simple que l'on pourrait le souhaiter. Essayant ses larmes, Nathanaël prit une nouvelle bouffée de cannabis, attendant patiemment malgré l'heure avancée de la nuit. Il serait bientôt une heure du matin, et c'était à cette heure-ci qu'il avait donné rendez-vous à Aceely. Il avait besoin de la voir, de lui parler, de se confier. Elle était la seule personne au monde à tout savoir de lui, et lui savait tout d'elle. Au bout de quelques minutes, le préfet entendit des bruits de pas en provenance des dortoirs, il reconnut rapidement la silhouette familière.

Nate - Ma chère Lily, tu seras heureuse d'apprendre que tu as gagné.

Un sourire amusé se dessina sur le visage du jeune homme tandis qu'il se redressait sur le canapé, offrant ainsi une place à son amie pour qu'elle vienne le rejoindre. Il prit une nouvelle inspiration de cette fumée mortelle qui le détruisait lentement, évitant soigneusement le regard d'Aceely, se doutant que ce dernier serait sans doute réprobateur, comme toujours. Malgré les défauts de Gemmell, elle l'acceptait comme il était, et c'était si rare qu'il lui en était reconnaissant, et même s'il ne lui dirait jamais, il ne pouvait nier que sans elle, sa vie aurait été beaucoup plus triste et morne. Continuant, sur sa lancée, d'un air sérieux, il ajouta.

Nate - J'en suis arrivé au point où je déteste celui que je suis devenu.

Et encore, le mot est faible. Quel égoïste je fais tout de même, à lui parler de mes problèmes d'entrée de jeu, sans chercher à savoir comment elle va. Je sais qu'Aceely est une réelle amie que je ne laisserai jamais tomber, mais personne n'est au courant de ce lien que nous avons tissé. Sans que je sache vraiment pourquoi, notre amitié est secrète, et ce n'est pas plus mal en fin de compte. Elle connait le moindre de mes points faibles tout comme je suis au courant des siens, et tout l'or du monde ne pourrait me convaincre de la trahir, car ce lien est le plus précieux des trésors que je possède, et le perdre serait terrible. Cela ne m'empêche pourtant de me comporter comme un parfait crétin.

Nate - Et toi, comment vas-tu?

Abruti, cette question aurait dû être posée dès le début. Nathanaël se sentait honteux, il n'osait plus regarder sa camarade dans les yeux, de peur de lui montrer le poids qui pesait sur ses épauls. Certes, elle finirait par le voir, à un moment où à un autre, mais il aurait aimé retarder l'échéance, se montrer plus fort que ce qu'il n'était vraiment. Mais avec Aceely, aucun artifice ne fonctionnait, il était lui-même, et elle était la seule qui avait droit à cet honneur, si l'on pouvait appelait cela ainsi.