Dure journée pour un drogué, et le mot était faible. Depuis que le soleil avait fait son apparition, il semblait n'apporter que malheur et désespoir au préfet de Serdaigle qui n'avait qu'une hâte, retrouver son lit ainsi qu'une nuit de sommeil. Le cauchemar de la nuit dernière n'était pas vraiment responsable de la mauvaise humeur du jeune homme - depuis la mort de son père, son subconscient avait décidé de le faire souffrir même durant la nuit, et les rêves heureux avaient été remplacés par des images douloureuses qu'il se repassait nuit après nuit - mais c'était un des facteurs qui n'arrangeait pas les choses. Les cours étaient d'un ennui mortel, et la situation amoureuse de Nathanaël était si chaotique que ce dernier ne savait plus quoi penser. Aux yeux de Poudlard, il était un célibataire charmeur qui passait rarement deux nuits d'affilée avec la même personne, et même si ce n'était pas complètement faux, les choses étaient bien plus compliquées depuis que des sentiments avaient fait leur entrée en jeu. Si seulement il avait pu ne pas les éprouver pour plusieurs filles à la fois, tout aurait été beaucoup plus simple. Gemmell n'arrivait pas à s'en sortir, et le seul moyen qu'il avait trouvé pour survivre à cette journée était planqué dans la sacoche magique qu'il gardait toujours à ses côtés. Cannabis, cocaïne, héroïne, lsd, tout y était passé, afin de parvenir à oublier Lucy, Baja, Lullaby, toutes ces histoires compliquées qui semblaient ne pas avoir de réelle solution. Mais malgré l'apaisement, les hallucinations, les sueurs et tremblements provoquées par les substances absorbées par le bleu et bronze, son esprit n'était jamais entièrement apaisé. La seule drogue qui parvenait à lui faire tout oublier, c'était la présence d'une femme, et il savait pertinemment que cela n'arrangerait pas ses problèmes. Sous l'emprise du lsd, l'élève de cinquième année progressait lentement dans les couloirs, avec la ferme intention de se rendre à la salle de bains des préfets, sans savoir pourquoi.

Je ne reconnais pas du tout les lieux, suis-je bien au cinquième étage? Les armures autour de moi changent de couleur, et je suis presque sûr d'en avoir vu une sortir l'épée de son fourreau en m'observant d'un air menaçant. Qu'est-ce que je raconte? Comment une armure aurait-elle pu avoir un air menaçant?! Les drogues auront ma peau, ce n'est plus qu'une question de temps avant que cela arrive, mais ça arrivera. Progresser dans un endroit, même connu, en étant sous l'emprise de lsd est une mission que l'on pourrait aisément qualifier d'impossible à accomplir. Je serais incapable de vous dire où je suis, alors que j'ai dû passer par ce couloir plus d'une centaine de fois. Les contours des tableaux se déforment selon leurs envie, et je suis presque sûr d'entendre la voix d'un fantôme me murmurer à l'oreille. Si c'était un fantôme, pourquoi me demanderait-il de détruire l'âme du dragon d'Auditore? Et c'est quoi Auditore d'ailleurs? Nathanaël Gemmell, tu abuses des bonnes choses, en pleine semaine en plus, je ne respecte même plus le "code d'honneur" que j'avais établi. Bon, de toute façon, les règles sont faites pour être enfreintes. Mais ce qui me perturbe, c'est que je ne trouve pas cette fichue salle de bains! Je veux pouvoir plonger dans l'eau, me détendre, peut-être même nager? Et pourquoi pas me noyer. Il parait que la mort par noyade entraine une sensation similaire à celle de la prise de drogues, il faudra que j'essaye ça avant de mourir. Tiens, je crois que c'est le tableau que je cherche.

En effet, le Serdaigle avait fini par se retrouver au bon endroit, après plus d'une demi-heure de recherches infructueuses. Il discuta pendant quelques minutes avec le tableau gardant le passage à la salle de bains, lui exposant son point de vue sur la guerre de gobelins de 1538 - avoir un avis contraire au personnage du tableau, représentant un chef de guerre de cette époque n'était pas très judicieux, mais le jeune homme n'était plus vraiment en état pour se rendre compte de son erreur -, puis il finit par donner le mot de passe et pénétrer dans l'immense pièce. Nathanaël, malgré son esprit embrumé, réussit à retrouver ses réflexes et ouvrit les robinets de la gigantesque baignoire - comparable à une piscine -, observant l'eau s'écouler comme si le spectacle était le dernier auquel il assisterait de sa vie. Une fois que l'eau fut à une hauteur convenable, le préfet retira ses vêtements, tout en gardant le short de bain qu'il avait prit soin d'emmener avec lui, puis il pénétra dans l'eau, profitant du contact de sa peau avec la mousse, se laissant flotter sur le dos, dans un silence des plus complets, mais qui ne dura pourtant pas. Dix minutes plus tard, le tableau pivota à nouveau, faisant exploser la bulle de sérénité dans laquelle Nate s'était enfermé. Il ouvrit lentement les yeux et mis du temps avant de reconnaitre une demoiselle qu'il avait eu l'occasion de bien connaitre par le passé.

Nate - Comme l'indique son nom, la salle de bains des préfets est réservée aux préfets Buckley, je te conseille donc de quitter les lieux si tu ne souhaites pas que je retire des points à ta maison.

C'est incroyable, même si je sais que l'effet du lsd commence à s'estomper, je dois avouer que Jordan, même avec des couleurs différentes de celles qu'elle a naturellement, est toujours aussi séduisante. Ce qui m'effraie, c'est que je sais par avance que si elle vient à me faire des avances, j'aurais beau avoir toute la volonté du monde, je ne parviendrais pas à les refuser. Je me souviens encore de ces nuits passés avec elle, de nos deux corps collés l'un contre l'autre, de son visage, de ses fines courbes, et je ne pourrais la repousser en ayant toutes ces images à l'esprit. Cependant je dois essayer, parce que j'en aime une autre, parce que j'en aime plusieurs autres, que je les trahis déjà, que je les trompe déjà, et même si elles font peut-être de même de leur côté, je ne veux pas les faire souffrir, je ne veux pas qu'elles subissent ce que j'ai déjà fait vivre par le passé. Saloperie de conscience que je ne devrais même pas avoir. C'est fou de voir que même en étant sous l'emprise de drogues, je parviens à analyser la situation, à différencier le bien du mal, même si je sais qu'au final, je choisirai certainement le premier. Après tout, j'ai beau avoir les meilleures intentions au monde, je n'en reste pas moins cette ordure que tout le monde devrait connaitre mais que je cache avec une certaine aisance. M'approchant lentement de Jordan, tout en étant toujours dans l'eau, je lui murmure d'une voix douce.

Nate - A moins que tu aies une bonne raison de vouloir rester?

Jeu dangereux que celui dans lequel il se lançait sans la moindre hésitation. C'était sa faiblesse, la plus flagrante, et contre laquelle il ne pouvait rien, la présence d'une jeune femme attirante, avec qui il avait déjà entretenu des liens plus qu'amicaux, et qui risquait de le faire plonger à nouveau. Le Serdaigle possédait pourtant une bonne conscience, qui lui montrait tout le mal qu'il faisait, mais même s'il l'écoutait, il ne l'entendait pas vraiment, subjugué par son mauvais côté qui lui dictait la route à suivre, tout en prenant à chaque fois soin de choisir la mauvaise. Nathanaël plongea son regard dans celui de la Serpentard, ne la quittant plus des yeux. C'était sa drogue, la compagnie d'une jolie jeune femme, seule à ses côtés, sans que rien ne puisse venir les perturber. Au fond, un esprit cynique aurait pu en conclure que Gemmell aimait être malheureux, et tout mettre en oeuvre pour détruire son propre bonheur, car jeter un tel regard à une potentielle amante qui pourrait mettre en danger ses relations sérieuses, cela signifiait vouloir être en danger, et vouloir se détruire un peu plus.