Samedi matin. Liliane allait pouvoir savourer son week-end sans professeurs sadiques, ni envois d’élèves à l’infirmerie. D’accord, elle en faisait rarement partie, mais elle n’était pas insensible non plus. Allongée dans son lit, Liliane savourait sa grasse matinée. Quel bonheur de se lever tôt juste pour savoir qu’on n'était pas pressé ! On la qualifiait d’hyperactive, il n’empêchait que le réveil était dur. Dans la pénombre, elle voyait les silhouettes de ses camarades de dortoir se lever les uns après les autres. Comme d’habitude, elle serait la dernière à descendre prendre son petit-déjeuner à moitié ensommeillée. Chez elle, au manoir des Aiglenoir, elle descendait en nuisette et robe de chambre, pieds nus, guidée par l’odeur succulente du pain grillé et du chocolat chaud. A Poudlard, tout comme cela avait été le cas à Beauxbâtons, cela ne fonctionnait pas. En effet, les odeurs de la Grande Salle ne montaient pas jusqu’à la salle commune des correspondants, et il était impensable qu’elle se présente devant tout le monde à peine habillée, même vêtue d’une robe de chambre. Remarque, elle avait fait la bêtise, une seule fois à Poudlard, et elle avait rapidement eu droit à des remarques sur la taille de ses jambes. Heureusement, elle n’avait pas dépassé la porte de la salle commune, mais évidemment les garçons de Durmstrang s’en sont donné à cœur joie pendant quelques jours. Toutefois, on ne l’y reprendrait plus, s’était-elle promise. Ce n’était pas un drame bien sûr ! Il valait mieux en rire.

Chassant ces souvenirs d’un geste de la main, elle se décida à se lever. Elle avait très faim. Et il ne lui restait plus qu’une demi-heure pour descendre si elle voulait manger. Passant en vitesse dans la salle de bains attenante, cinq minutes à tout casser, Liliane était fin prête. Il lui manquait juste une chose. Elle cherchait sa crème de jour. D’accord ce n’est pas d’une importance extrême, mais étant donné qu’elle sortait de l’adolescente, elle était encore sujette aux points noirs si elle n’y prenait pas garde. Mais aujourd’hui, impossible de mettre la main dessus ! Elle ne pouvait pas sortir sans cette précieuse crème miraculeuse. Coquette ? Et alors ? Elle avait été élevée comme ça. Ne jamais sortir sans être présentable. C’était donc assez problématique. Liliane s’imaginait déjà se rendre dans la Grande Salle sans avoir mis ce produit sur son visage. Elle envisageait même de ne pas descendre manger et d’attendre qu’une de ses colocataires revienne pour lui demander. Elle savait déjà qu’Ileen possédait la même crème qu’elle, qu’elle rangeait dans son armoire à côté de son lit. Elle attendrait.

Elle attendait sur son lit. L’horloge au dessus de la porte égrenait les secondes avec un tic tac angoissant. Son ventre se mit à gargouiller. Il fallait qu’elle mange. Et puis, Ileen n’y verrait aucun inconvénient, elle en était sûre. Liliane s’entendait bien avec la jeune américaine de Salem. Au début, quand elles ont emménagé dans le même dortoir, il y avait eu une sorte de méfiance. On ne peut pas dire en effet qu’Ileen soit d’un abord très aimable. Elle était même plutôt froide, comme si elle se cachait derrière un voile. Mais Liliane n’était pas du genre à avoir des préjugés dés le premier coup d’œil. Avec Alexandra par exemple, elle aurait pu la détester, au même titre que Louise ! Mais avec Louise, c’était différent. Plutôt physique en fait. En gros, elles ne supportaient pas l’attitude l’une de l’autre, mais ne le montraient pas. Un secret de polichinelle en quelque sorte. Et elles se sont découvert un point commun, le piano, ce qui les a rapprochées. De toute façon, quand on partage la même chambre, il vaut mieux être amies. Et elles se sont confiées assez rapidement après, progressivement. Les deux étrangères parlaient de tout et de rien, le couvre-feu passé, quand elles fuyaient la salle commune. Enfin, parlaient… Dans le sens bien sûr où Leen parlait et où Lili écrivait, grâce à un système qu’elle avait trouvé tout récemment, plus pratique que la tablette. Elle écrivait dans les airs, à l’aide de sa baguette : les mots s’affichaient sous la forme de fins rubans de lumière. D’ailleurs, ça faisait encore plus joli dans le noir. La jeune Française s’était maudite de ne pas y avoir pensé avant, étant très attachée à ce cadeau de ses parents. En tout cas, c’était très pratique, et Liliane devenait de plus en plus rapide.

L’appel de son estomac se fit de plus en plus pressant, et Liliane n’y tint plus. Elle se dirigea vers le lit d’Ileen, et ouvrit la porte du placard. Une pointe de culpabilité la transperça, mais elle trouva immédiatement la crème tant convoitée. Elle en prit le minimum possible pour que cela passe inaperçu et s’en badigeonna le visage. Ah enfin ! Quel bonheur de retrouver cette texture si douce, si magique ! En un instant, Liliane rayonnait avec sa peau au grain parfait. Elle allait pouvoir assouvir son appétit à présent. Elle avait encore vingt minutes. Tout allait bien. Jusqu’à ce qu’elle remette le produit à sa place. Calmée, elle prenait plus le temps de le faire, et elle découvrit avec stupeur des monticules de boîtes de médicaments, blanches et bleues avec l’intitulé « Xanax ». Il y en avait tellement ! Liliane ignorait que son amie suivait un traitement. D’une main tremblante, elle en saisit une et l’ouvrit. Pilules blanches. Peut-être pour les migraines ? Mais il y en avait une telle quantité… Un mode d’emploi tomba et elle le ramassa. Les mots lui sautèrent à la figure. « Anti dépresseurs ». « Calmants ».

Comment était-ce possible ? Son amie, sa voisine de dortoir n’allait pas bien et elle ne s’en était même pas rendu compte ? Liliane s’en voulut aussitôt. Non pas d’avoir trouvé les cachets, mais de ne pas s’être rendue compte du mal être d’Ileen. Elle se promit de faire plus attention, et de lui en parler discrètement. Des pas résonnèrent dans le couloir et prise de panique, Liliane ferma la boîte et la fourra dans le placard avant d’en refermer la porte et se jeta sur son lit. Au moment où la porte s’ouvrit, la Française se rendit compte que le mode d’emploi déplié était resté sur le sol. Alors elle ferma les yeux et pria que ce ne soit pas Ileen. Perdu. Le cœur battant à tout rompre, elle fit semblant d’être très absorbée par la contemplation des broderies de son oreiller, faites à la main par la maison de couture de sa mère. Très joli dessin vraiment. Mais elle craignait qu’Ileen s’en rende compte et lui en veuille…