« A.'s Owl »

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Sahara à votre service.

Ce faucon peut paraitre agressif mais il ne l'est pas. Douce et amicale, elle est tout l'inverse de son maître. Trouvée lorsqu'elle avait à peine un an, Audric a su développer un lien si particulier de confiance avec cet animal sauvage. Vos lettres pourront parfois être égarées, suite à une période de chasse de Sahara. Vous aurez été prévenue.

Le destinataire d'une lettre a toujours un énorme avantage sur l'expéditeur.
Il peut la lire et la détruire en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire.

Le 19 décembre 2010.

Est-ce des mensonges que tu désires entendre, Audric ? Mon cœur bat vite tandis que j’écris ces mots, et je me souviens d’une autre époque, d’un autre temps, d’une autre vie probablement. J’avançais, la main glissée dans la tienne, et je ne pouvais imaginer mon existence sans ta présence. Malheureusement, le temps est passé, et aujourd’hui, je suis seule – peut-être l’ai-je toujours été. Je ne sais plus quoi te dire, je ne sais même plus comment te sourire. On se croise, et je détourne les yeux, j’ai tellement peur de lire dans ton regard des choses que je ne veux pas savoir. La rancune, l’angoisse, tout ce que j’ai enfui à l’intérieur de moi, étouffé, écrasé, piétiné, pour finalement les oublier. Tu sais, toi mieux qu’un autre, que je ne m’embarrasse plus des détails. Ils sont, après tout, faits pour être négligés. Je me rappelle néanmoins de mon cœur qui se broie, de cette douleur infinie tandis que tu me présentais celle qui allait partager ta vie pour quelques temps. Je ne peux accepter la vérité ; je ne le voulais pas. Toutefois, elle était là, devant moi, s’accrochant à ton bras, te couvant des yeux comme je l’avais fait tant de fois. Je me suis détournée, éloignée, je t’ai ignoré, sans même comprendre pourquoi, j’étais poussée par une colère nouvelle que je ne ressentais pourtant pas. J’aurais peut-être dû t’expliquer ; mais il n’y avait rien à dire. Je suis maudite, je l’ai toujours été. Mes émotions m’échappent, mon âme pourrit, et je me fuis, encore et encore, jusqu’à totalement m’annihiler. Peut-être t’aimais-je. Peut-être est-ce toujours le cas. Les jours passent, et la page, arrachée, vole devant moi, me nargue et me défie. Je la déchire, mille morceaux de vie qui scintillent devant mes yeux, et les larmes coulent sans que je ne comprenne pourquoi. Ne t’inquiète donc pas, mon cœur, tu n’as pas été le seul à pleurer, crois-moi. J’évoluais dans l’ombre, t’observant d’un œil blessé, et je disparaissais dès que tu me remarquais. Je ne serai jamais au centre de ta vie, car je ne suis même pas au centre de la mienne. Pourquoi t’accrocher à ce qui n’est plus, à ce qui n’a peut-être jamais été ? Tu m’as échappé il y a déjà si longtemps, trop longtemps pour simplement se réconcilier, s’accrocher, se déchirer une autre fois. Je ne suis plus celle que tu connaissais, je ne suis plus que l’enveloppe vide contrôlée et maîtrisée que les autres voient en moi. Je suis un pantin sans vie, luttant pour ressentir. Sais-tu jusqu'où j'ai glissé ? Connais-tu les abymes avec lesquels j’ai flirté ? M’aimes-tu, ou te bernes-tu d’un sentiment noble, m’aimes-tu ou crois-tu apprécier une âme qui a depuis longtemps été souillée ? Tu étais mon tout, tu étais moi, en mieux et en pire à la fois. Mais notre empire s’est effondré, et aujourd’hui, je ne sais que répondre. Est-ce ma tête qui me joue encore des tours, ne serait-ce donc qu’une autre illusion ? Il ne serait pas étonnant que je sois finalement devenue folle, vois-tu. Tu es parti au pire moment, tu n’as pas été là, tu as simplement disparu, m’en voulant autant que je t’en voulais, peut-être, sans raison, démesurément. J’aimerais te dire que je te hais, pour cette amitié brisée, pour cette foi envolée, pour cet amour faussé. La réalité, pourtant, est tout autre, et tu dois être une des seules personnes au monde que je ne pourrai jamais mépriser. Est-ce suffisant pour toi ? Attends-tu autre chose que ça ? Me vois-tu vraiment à tes côtés pour l’éternité ? Dis-moi, car je me perds dans toutes ces questions, illusions sur illusions, je m’engouffre une nouvelle fois dans un sentier que j’ai déjà traversé, et j’ai peur de tomber.

Retiens-moi.

Lullaby.